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19.10.21

Faut-il bruler Facebook ? En faire un bouc émissaire ? Ou réfléchir aux nouveaux problèmes posés ?

Facebook, WhatsApp, Instagram et Messenger :

tous en panne pendant environ 6 heures !

Un blocage général qui fait réfléchir sur notre dépendance à ces outils et surtout à la façon dont ils sont possédés et organisés par les GAFAM.

Après les fuites de données à répétition, ce sont les contenus sélectionnés par Facebook qui sont mis en cause, de l'intérieur de l'entreprise, comme privilégiant "la désinformation, la toxicité et les contenus violents, anormalement prévalents dans les contenus repartagés".

Cela a "des effets collatéraux malsains sur d’importantes parties des contenus, notamment en politique et en actualité".

Qu'en penser ?  Que faire ?

La panne de communication sur la moitié de la planète


3 milliards et demi d'utilisateurs, presque la moitié de la planète, sans connexion le lundi 4 octobre 2021

En Europe, le choc n'est pas ressenti de la même façon, car la plupart des utilisateurs des applications de Mark Zuckerberg communiquent aussi par mails et SMS.

Mais dans bien des pays moins communicants, toutes les communications passent par Facebook, y inclut des services de sécurité comme en Inde. 

Une telle panne a fait échouer bien des évènements programmés avec ces réseaux sociaux.

200 millions de PME utilisent Facebook, Instagram ou Messenger pour leur publicité, l'organisation de leurs évènements, leur communication.


Grand révélateur de la faiblesse, de la fragilité et de la dépendance de ces systèmes

Côté positif : cela a été un grand révélateur de la faiblesse, de la fragilité et de la dépendance de ces systèmes.

À ceci s'ajoutent les révélations d'une chercheuse de Facebook qui a révélé comment les décisions internes privilégient l'intérêt financier de l'entreprise aux dépens des utilisateurs.

Tirons les leçons de cette panne gigantesque dans le monde.


Pourquoi cette panne générale 


On pourrait penser que les GAFAM, avec les gigantesques moyens dont ils disposent, sont au-dessus de ce type de risque.

En fait, il ne s'agit pas d'un piratage ni d'une panne matérielle, mais d'une erreur humaine dans la maintenance des sites.

Cette erreur a fait dérailler le système d'aiguillage des communications (DNS) et les adressages (IP) entre les correspondants de ces applications.

On n'arrivait plus à se connecter.

Les applications étaient introuvables sur le Net.

Et la panne s'est propagée en cascade à tous les ordinateurs de Facebook, WhatsApp, Instagram et Messenger sur la terre entière !

Et c'est là que les effets de cette panne ont été redoutables : l'impossibilité de communiquer s'est étendue aux liaisons internes et aux services de dépannage.

Les communications internes dans l'entreprise Facebook et ses filiales passant par Workplace, l'application professionnelle interne, tout a été paralysé.

Les services de l'entreprise ne pouvaient plus communiquer entre eux pour appeler à l'aide et faire dépanner les serveurs.

Leçon interne à retenir pour l'entreprise 

Quand tout est centralisé dans un système unique et qu'une panne survient : on ne peut plus rien faire puisque toutes les communications sont touchées.

Il est donc essentiel de pouvoir être joignable par des moyens différents.



L'impact de Facebook en Europe et aux USA est de pousser à l'extrémisme 


Un chercheur a créé un profil artificiel sur Facebook pour tester ce qui se passait pour une Madame Caroline Smith, mère de famille très conservatrice en Caroline du Nord.

Les conclusions sont claires : elle a été bombardée de messages de plus en plus extrémistes et conspirationnistes de type QAnon.

La preuve que le réseau social radicalisait ses pratiquants. 


L'impact sur les pays du Sud est encore plus grave et dramatique


L'article "The Facebook Papers reveal staggering failures in the Global South" : détaille comment les Facebook Papers révèlent des échecs stupéfiants dans les pays du Sud.

Les Facebook Papers sont les documents internes de Facobook révélés par les lanceurs d'alerte. 

L'Ethiopie, l'Inde sont des pays où les tensions ethniques et raciales génèrent des violences et des massacres. Facebook, utilisé par les extrémistes, porte la haine à son paroxisme et incite au passage à l'acte quand il n'aide pas à l'organiser.

Les documents cités dénoncent : "Facebook sous-investit chroniquement dans les pays non occidentaux, laissant des millions d'utilisateurs exposés à la désinformation, discours de haine et contenus violents."

"En juin 2020, avant le début de la guerre civile en cours dans le pays, un rapport interne de Facebook citait l'Éthiopie comme l'un des pays les plus à risque de la plateforme. 

Le rapport indiquait que la société ne disposait toujours pas de systèmes automatisés, appelés classificateurs, qui pourraient détecter de manière adéquate les messages nuisibles en amharique et en oromo, les deux langues les plus parlées en Éthiopie, selon CNN . 

L'échec de Facebook à embaucher des modérateurs et à développer des systèmes d'IA pour identifier correctement les discours de haine et la désinformation dans les langues et dialectes régionaux a été bien documenté dans les pays du Sud, et est l'une des conclusions les plus cohérentes des articles Facebook.

Une équipe de Facebook a écrit en décembre 2020 que l'opération d'intégrité de l'entreprise "ne fonctionne pas dans une grande partie du monde", et a cité comme exemple des pays à haut risque comme l'Éthiopie, selon un article du Wall Street Journal du mois dernier."

Des groupes de milices ethniques étiopiennes Amhara se servent de Facbook pour collecter des fonds, recruter et lancer des appels à la violence.

Un autre milice Fano publient ses explois de meurtres de civils, viols et pillages au Tigré. 

Facbook a répondu qu'il augmentait ses efforts de contrôle, malheureusement, sans grands résultats, apparemment.

De même en Inde, Israël, Palestine, Philippines.

Au Vietnam et dans d'autres pays, Facebook s'est engagé auprès du gouvernement à modérer l'expression dite "anti-étatique" c'est-à-dire de réduire l'expression des opposants au gouvernement pour garder l'accès à ce marché juteux financièrement.


Une réflexion et une action pour un Internet moins centralisé, des applications moins monopolistes


Internet a été conçu pour permettre des liaisons indestructibles, car décentralisées.

C'était le but !

Que n'importe quelle partie du réseau soit touchée, les communications passaient ailleurs et compensaient.

Et voilà qu'une simple erreur de maintenance bloque des milliards d'utilisateurs !

Pour un Internet plus décentralisé 

Des initiatives comme DWeb avancent dans ce sens.

Pour des applications qui ne soient pas des monopoles, mais qui communiquent entre elles


Les GAFAM sont devenus plus importants que les services publics des Etats, mais se comportent uniquement dans leur intérêt privé.

Il faudrait exiger des standards communicants entre toutes les applications, qui facilitent la communication entre tous, quelle que soit l'application.


Pour le grand public, première conséquence, plus de méfiance encore envers Facebook, WhatsApp, etc... et les concurrents se sont renforcés 


Telegram est passé de la 56e place des applications les plus téléchargées à la 5e place.

Signal a aussi beaucoup progressé 

De nombreuses personnes, à qui l'appropriation de WhatsApp par Facebook était passé inaperçue, se sont clairement rendu compte que Facebook, WhatsApp, Instagram et Messenger étaient bel et bien ensemble dans la panne, comme dans leur fonctionnement, et l'exploitation des données personnelles rejoignaient celles de Facebook.


Pour les données auxquelles on tient : avoir plusieurs espaces de stockage indépendants entre eux


C'est indispensable sur le plan professionnel, mais c'est vrai aussi pour les besoins personnels.

Avoir bien en tête, quelles sont les données importantes et prévoir leurs sauvegardes systématiques dans des lieux et avec des moyens complètement indépendants les uns des autres.

C'est une bonne protection contre ce genre de panne, mais aussi contre les pannes matérielles et contre les pirates.

En effet, une technique basique du piratage pour vous soutirer de l'argent est de crypter vos données pour les rendre inutilisables par vous tant que vous n'aurez pas payé la rançon.

Si vous avez de bonnes sauvegardes, ce chantage aura beaucoup moins d'effet sur vous !


La sécurité de nos données et de nos communications, nos économies et notre vie privée dépendent d'eux


Les fuites répétées de données personnelles 

 Déjà, en avril 2021, 533 millions d'utilisateurs ont vu leurs données personnelles divulguées avec les numéros de téléphone pouvant servir à des arnaques dans la méthode d’authentification en deux étapes.

Ceci après l'affaire Cambridge Analytica (voir mon article "Qui est Cambridge Analytica ? l’aspirateur de données Facebook"), où 87 millions d'utilisateurs dans le monde et près de 3 millions d'Européens ont vu leurs données personnelles piratées et utilisées dans différents scandales politiques.

Les fake news et les effets délétères sur la jeunesse


La lanceuse d’alerte Frances Haugen a constitué de solides dossiers sur les arbitrages internes de Facebook dans la régulation des fake news, de la désinformation au détriment des valeurs humaines.

Si on ne peut pas sous-estimer la difficulté de traiter ces sujets, si on ne peut pas s'étonner que Facebook ait arbitré dans le sens de ses intérêts, en sachant les effets négatifs sur le psychisme et l'équilibre mental des adolescents, peut-on pour autant continuer à les laisser faire ?

Le site "pressecitron" éclaire cette affaire "Facebook Files : comprendre de A à Z cette tentaculaire affaire".


La puissance des effets des algorithmes  


L'article de pressecitron explique :

"Un changement d’algorithme à l’origine d’un accroissement de la désinformation.

En 2018, Facebook a annoncé une modification de l’algorithme de recommandation du fil d’actualité. 

Il choisit les contenus auxquels chaque utilisateur est confronté. Ces changements étaient présentés comme un moyen de limiter les interactions avec les contenus produits par des professionnels pour montrer davantage de publications de nos proches. 

Tout cela étant justifié par des motifs de protection de la santé mentale

Selon un mémo interne dévoilé par Frances Haugen, il s’agissait en fait d’une stratégie visant à répondre à une baisse d’utilisation de la plateforme".

"Les conséquences ont été assez problématiques, puisque les chercheurs ont rapidement observé que l’effet était inverse


On a donc assisté à la mise en avant de publications particulièrement incendiaires :

La désinformation, la toxicité et les contenus violents sont anormalement prévalents dans les contenus repartagés. (…) Notre approche a eu des effets collatéraux malsains sur d’importantes parties des contenus, notamment en politique et en actualité. 

Notre responsabilité est grandissante. Beaucoup d’interlocuteurs nous ont dit qu’ils craignaient, sur le long terme, les effets négatifs que peut avoir cet algorithme sur la démocratie."

Mais, les déboires de Facebook doivent-ils en faire un bouc émissaire ou nous conduire à réfléchir et chercher des solutions aux nouveaux et difficiles problèmes rencontrés ?


Mes articles pour approfondir vos réflexions sur les algorithmes et ceux qui les conçoivent

Pour moi, les algorithmes sont aux machines ce que les lois sont aux humains.
Avec la différence aggravante que les machines "obéissent" plus à leurs algorithmes, à leurs programmations que les humains à leurs lois.

Les lois des humains sont décidées par des organismes représentatifs où la démocratie doit servir à faire respecter les volontés majoritaires d'un peuple.

Les programmes des machines sont présentés comme opaques et sont dépendants des spécialistes.

Au nom de quoi ?

Les programmes, les algorithmes doivent être transparents et dépendre des lois démocratiques.

C'est le sens de la lutte de nombreux scientifiques, techniciens et utilisateurs lambdas :

Voici les articles que j'ai écrits sur le sujet :



Bien sûr, donnez-moi vos avis et posez-moi vos questions !